Au début, la plupart d'entre nous avons du mal à percevoir les états émotionnels à travers lesquels nous passons.
Il faut dire que nous n'y avons pas été préparés, encore moins entraînés, par notre éducation généralement moqueuse et décourageante, face à toute velléité d'écoute de soi.
Un peu comme s'il était entendu, une fois pour toutes, que nous avons si peu d'intérêt que ça ne peut pas valoir le coup de nous prendre en compte. Pour preuve, l'expression « il s'écoute », définitivement péjorative pour la plupart d'entre nous.
Dans mon travail, il n'existe pas de fois où - par exemple au moment du repas - je ne me trouve confronté à la plaisanterie ironique de celui qui, ne participant pas à la formation que j'anime en « gestion du stress », ne peut s'empêcher de se moquer de celui qui y participe, quitte même à tenter de le manipuler avec des mots comme « maintenant que t'es plus stressé, je vais pouvoir en profiter. »
Dire que l'on s'applique à gérer son stress fait sourire dans la culture du « marche ou crève, » et du « ça passe ou ça casse. » Souvenons-nous des injonctions de nos parents : « un garçon ne pleure pas ! » et « sois sage et tais-toi ! » On n'exprime pas sa colère, ça ne se fait pas. Il est donc préférable de ne pas partager ses sentiments, on ne sait jamais, d'ici à ce que nos émotions nous débordent ! La vérité c'est que nos émotions nous font peur, comme elles ont fait peur à nos éducateurs et que nous préférons les enfouir au fond de nous-mêmes. Sans être conscients du lourd tribut que nous allons alors devoir leur payer…
Notre culture nous rend souvent a priori infamante la prise de conscience de nos limites, de notre humanité et de notre maladresse à gérer nos émotions. Comble de l'astuce, elle rend a priori ridicule toute tentative de compréhension de qui nous sommes et de comment nous fonctionnons.
En fait, il est simple de comprendre que nous ne pouvons pas nous connaître sans nous mettre à l'écoute de qui nous sommes et que, sans cette écoute, nous ne pouvons pas évoluer, nous transformer.
L'être humain ne peut agir que sur la base de ce qu'il a constaté. Je rentre dans une pièce obscure, j'appuie sur l'interrupteur électrique et sur la base, par exemple, du désordre que je vois, j'ai la possibilité de mettre de l'ordre.
On pourrait dire que pour mettre de l'ordre, il faut - préalablement - avoir osé se confronter au désordre. Sans cette confrontation, il n'y a pas d'ordre possible.
Le premier travail à effectuer est alors souvent, pour bon nombre d'entre nous, celui de la confrontation à la honte et à la culpabilité; il faut dire que nous nous jugeons sévèrement, comme on nous jugeait lorsque nous étions petits.
Et si ce n'était pas déshonorant - puisque j'existe - d'oser me prendre en compte (avant de me prendre en charge) ?
Et si je ne devais pas me sentir condamné à devoir toujours répéter les mêmes comportements ?
Et s'il m'était donné la possibilité de changer et d'évoluer ?
Et si j'osais me voir sous l'angle de ce que je suis, un être humain unique, donc différent des autres, donc incomparable…
Notre cerveau n'est-il pas constitué de plusieurs dizaines de milliards de neurones qui se reproduisent et se ramifient d'une manière unique ?
C'est sur cette base, avec cet état d'esprit premier - oser être ce que nous sommes, sans prétention, en l'acceptant avec une attitude bienveillante et amicale - que nous allons pouvoir apprendre à gérer nos émotions.
A ce moment là, nous pourrons essayer d'y voir plus clair, c'est-à-dire tenter de répondre à ces questions :
Qu'est-ce qu'une émotion ?
Les émotions servent-elles à quelque chose ?
Où trouvent-elles leur origine ?
Les émotions sont-elles justifiées ?
Est-il possible de domestiquer la peur ?
Qu'est-ce qu'une émotion pathologique ?
Comment gérer trop de colère ?
Comment gérer trop peu de colère ?
Peut-on ne pas être triste ?
Comment gérer un dépressif ?
Qu'est-ce que l'intelligence émotionnelle ?
Comment, par quels moyens la cultiver ?
Tenter de répondre à ces questions, c'est tenter de mettre de l'ordre dans la compréhension que nous avons de nous-mêmes, tenter d'y voir plus clair pour devenir plus adultes, c'est-à-dire émotionnellement plus intelligents : prêts à tenter « l'aventure de l'autre. »
Notre attitude de base pour parvenir à cette compréhension, est - bien sûr - l'observation de soi. Il nous faut commencer par tourner notre attention vers l'intérieur.
Bonne nouvelle : depuis quelques années, la science et la technique nous fournissent des moyens d'observation et de compréhension de nos fonctionnements, inégalés depuis l'origine des temps.
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________*التــَّـوْقـْـيـعُ*_________
لا أحد يظن أن العظماء تعساء إلا العظماء أنفسهم. إدوارد ينج: شاعر إنجليزي