La créativité décrit — de façon générale — la capacité d'un individu ou d'un groupe à imaginer ou construire et mettre en œuvre un concept neuf, un objet nouveau ou à découvrir une solution originale à un problème.
Elle peut être plus précisément définie — comme cela est fait dans le chapeau de la catégorie « créativité » — comme « un processus psychologique ou psycho-sociologique par lequel un individu ou un groupe d'individus témoigne d'originalité dans la manière d'associer des choses, des idées, des situations et, par la publication du résultat concret de ce processus, change, modifie ou transforme la perception, l'usage ou la matérialité auprès d'un public donné. ». Elle croise notamment la créativité individuelle avec la sérendipité ; l'aptitude à utiliser des éléments trouvés alors qu'on cherchait autre chose.
Opérationnellement, la créativité d'un individu ou d'un groupe est sa capacité à imaginer et produire (généralement sur commande en un court laps de temps ou dans des délais donnés), une grande quantité de solutions, d'idées ou de concepts permettant de réaliser de façon efficace puis efficiente et plus ou moins inattendue un effet ou une action donnée.
La créativité s'évalue donc — en peinture comme en architecture, en design, en musique, en cinéma ou en mathématique, dans l'industrie, la médecine ou psychothérapie, l'humour, etc. — par les délais de réponse, la rapidité de production, la quantité de solutions, l'efficacité puis l'efficience et l'originalité (définie comme l'inverse de la banalité).
Les substantifs « créateur » et « créatif » et les adjectifs « créateur » et « créatif » doivent être considérés à part et ne pas être utilisés pour définir la créativité sous peine de définitions circulaires (voir Éléments de métadonnées).
Adoption du mot en français[modifier]
Le mot était dans le Supplément (1970) du Grand Dictionnaire Analogique de Paul Robert.
Il a été adopté par l'Académie française au cours de sa première séance de l'année 1971 après une âpre discussion entre Louis Armand — qui, ne l'oublions pas, avait préfacé L'imagination constructive d'Alex Osborn en 1959 et défendu alors le mot et la méthode du brainstorming — et André Chamson pour lequel le mot « créativité » était une notion creuse, une mode pseudo-intellectuelle qui se démoderait vite. Louis Armand l'emporta mais les Académiciens ne purent alors faire mieux alors que de la définir — comme on peut le constater en consultant leur dictionnaire — comme « synonyme d'inventivité » 1
Dans cette acception première, il s'agissait d'imagination appliquée ou, pour reprendre le titre de la traduction française du livre d'Osborn, d'imagination constructive. Il était construit sur le modèle et le concept de « productivité » : c'était la capacité à créer des idées grâce à l'imagination2.
Georges Rona, le traducteur, précisait alors, dans son avertissement, la distinction qu'il fallait faire d'après lui entre trois types d'imagination :
L'imagination appliquée : imagination appliquée à la solution de problèmes pratiques d'action ou d'amélioration pratique d'une idée ou d'un objet.
L'imagination constructive : imagination orientée vers des réalisations concrètes.
L'imagination créative : imagination orientée vers la création de quelque chose de nouveau3.
C'est ce dernier type spécifique d'imagination créative— que Théodule Ribot appelait imagination créatrice — qui est devenu aujourd'hui synonyme de « créativité ».
Origine du mot et définitions informelles[modifier]
Le mot est un calque de l'américain « creativity », néologisme des années quarante, sans aucune connotation artistique. Le mot est apparu en français dans les années cinquante chez les psychologues humanistes (à la suite de la découverte par ceux-ci des publications des travaux d'Abraham Maslow et de Carl Rogers) puis les psychanalystes, puis les psychologues4.
Le Trésor de la langue française informatisé :
Capacité, pouvoir qu'a un individu de créer, c'est-à-dire d'imaginer et de réaliser quelque chose de nouveau,
et en particulier, en socio-psychologie (appelée aujourd'hui : psychosociologie et/ou psychologie sociale, les limites sont parfois difficiles à préciser) capacité de découvrir une solution nouvelle, originale, à un problème donné.
Aujourd'hui, les définitions de la créativité sont très, très nombreuses. Un livre 5 en donne une sélection des 101 meilleures, formulées par des experts. Comme elles sont la plupart contradictoires, les auteurs laissent le soin au lecteur de conclure...
Ce sont la plupart du temps des définitions subjectives dans la mesure où elles définissent la créativité en partant de trois ou quatre adjectifs qualificatifs : créatif, nouveau et original et utile, polysémiques et par définition subjectifs que les vocabulaire ou les encyclopédies telles que Wikipedia ne définissent pas.
La créativité dans les dictionnaires scientifiques[modifier]
Henri Piéron, dans son Vocabulaire de Psychologie (PUF, 1954) en donne alors la définition scientifique suivante : fonction inventive, d’imagination créatrice, dissociées de l'intelligence, que l'on explore avec divers tests spéciaux (comme de trouver le plus de solutions possible à certains problèmes) et qui n'a avec les QI classiques que de faibles corrélations.
Les trois grands sens du concept[modifier]
Une analyse de contenu de toutes ces définitions dégage trois grands sens.
Acte de créer quelque chose de nouveau[modifier]
Le Rubik's Cube, casse-tête inventé en 1974. C'est un excellent exemple de problème — au sens scolaire du terme — à résoudre. Retrouver la solution du professeur
Trois diodes électroluminescentes. Une révolution technologique consacrée par le prix Millennium 2008.
La mail-box d'Apollo 13, un bricolage génial
Le cheval de Troie, une créativité stratégique que les grecs appelaient stratagème
Le sens commun la définit seulement comme l'acte de créer quelque chose de nouveau.
Bien que simple en apparence, c'est un phénomène complexe. Il doit être mis en perspective avec la psychologie, la psychologie sociale, les sciences cognitives, l'intelligence artificielle, la philosophie, l'histoire, l'économie, la gestion, la stratégie et bien d'autres sujets.
À la différence de beaucoup de phénomènes de la science, il n'y a pas une seule définition qui fasse autorité. À la différence de beaucoup de phénomènes en psychologie, il n'y a pas de technique standardisée de mesure.
La créativité est attribuée à des processus cognitifs, l'environnement social et la personnalité. Elle est associée au génie. Certains prétendent qu'elle peut être apprise par des techniques de créativité. Bien que souvent associée à l'art et à la littérature, c'est aussi une part essentielle dans l'innovation et l'invention très utile dans de nombreux métiers.
L'acte créatif peut être considéré comme le fruit d'une volonté de puiser quelques informations provenant de la mémoire (logique ou irrationnelle) et de les réorganiser d'une manière nouvelle, poussée par l'imagination, l'instinct, l'inspiration, les émotions fortes, voire l'usage de substances générant des endorphines ou tout autre moyen qui pousse le créateur en dehors des "sentiers battus", telle l'absinthe de Rimbaud en son temps. La lecture, comme de nombreuses autres activités demandant un effort d'imagination, peut être un stimulant de la créativité. De nombreuses qualités de l'enfance - telles que l'imagination, la spontanéité, la sensibilité - sont fréquemment associées aux conditions qui favorisent la créativité.
Approche pratique - Il n'y a toutefois véritable créativité que s'il y a mise en application pratique, la réalisation d'une œuvre. C'est seulement alors qu'on peut parler d'acte créatif et non de simple imagination. Hans Joas parle par contre de la 'créativité de l'agir'. L'expérience n'est pas collectible car elle appartient à l'espace de l'expérience individuelle et non de la connaissance partagée. Mais l'expérience ne pourrait-elle pas prétendre à la dimension de "réalisation". Afin de se dégager de cette dualité, des concepts tels que celui de l'expression ou de la création sont bien utiles. En effet, ils recouvrent à la fois l'action et le résultat de celle-ci, sans distinction.
Si le travail de "copie" peut exiger de la rigueur, du soin, le travail de "création" semble faire appel à des circuits neuronaux originaux (schémas heuristiques, croisement de plusieurs cultures, etc.) donnant naissance à quelque chose de totalement nouveau.
L'acte créatif, qualifié aussi d'œuvre de l'esprit, protégée par les lois sur la propriété intellectuelle, reste encore très mystérieux et trouble même souvent les personnes créatrices.
Capacité à trouver des solutions originales[modifier]
Dans une acception plus large dépassant la seule expression artistique, la créativité peut être considérée comme la capacité d'apporter ou de faire trouver des solutions originales aux problèmes d'adaptation auxquels chaque être humain est confronté. En ce sens, elle devient, en tant que telle, une méthode de résolution de problèmes, comme en négociation ou en médiation où l'inimaginable discussion « entre les parties peut ouvrir la voie à une solution qui semblait impossible... »
Selon la vision classique de la créativité fondée par Guilford (1956) sur le principe dichotomique divergence/convergence, la démarche créative commence par la reconnaissance d'un problème. À partir de là, un processus de divergence s'engage, et finalement se termine, par convergence, dans une nouvelle solution du problème.
Amabile, Lubart, MacKinnon, Ochse, Sternberg, dans la Psychologie de la créativité6 de Todd Lubart « La créativité est la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste ». Dans cette définition : « nouvelle » se comprend comme originale et imprévue.
Volonté de modifier ou de transformer le monde[modifier]
Une analyse factorielle d'un corpus d'une centaine de définitions de la créativité fait apparaître un facteur général de créativité — l'équivalent du facteur général d'intelligence (en) de Charles Spearman— que nous appellerons facteur C et qui est une volonté ou une intention de modifier ou de transformer son environnement, le monde, la perception que les autres en ont, son propre monde intérieur, etc.
Cette analyse est confirmée empiriquement par la primauté donnée à la motivation dans la plupart des études faites sur le processus créatif. Voir en particulier celles de Teresa Amabile
La créativité, si cette analyse est exacte, n'est pas alors du ressort des sciences cognitives mais des sciences conatives. Voir : Les aspects conatifs de la créativité7.
Les grands types de créativité[modifier]
Certains chercheurs pensent que la créativité est un concept hétérogène et qu'il y a des types de créativité.
Par exemple, on peut facilement distinguer les types suivants de créativité :
La créativité scientifique[modifier]
Abraham Moles, dès 1957, lui a consacré un livre : La création scientifique, Kistler, Genève.
Il faut très vite distinguer la créativité propre à la physique (Richard Feynman), de celle propre à la chimie et de celle spécifique à la médecine.
Beaucoup de sérendipité en chimie (aspartame) et en médecine (Viagra).
La créativité organisationnelle[modifier]
Isaac Getz, Créativité organisationnelle, Vuibert, 2002. (ISBN 2-71117-698-7) 9
La créativité sociale[modifier]
Christophe Mouchiroud de l'Université René Descartes-Paris 5 en a fait un objet de recherches autonome.
La créativité architecturale[modifier]
Le Prix Pritzker qui fait l'unanimité nous fournit un corpus de travail idéal — quasi scientifique — pour analyser ce type de créativité.
La créativité littéraire[modifier]
Le meilleur livre sur le sujet reste celui de Gabriel Veraldi, prix Fémina 1954, et de Brigitte Veraldi, docteur ès-lettres, Psychologie de la création Denoel, 1972.
La créativité mathématique[modifier]
Une créativité abstraite, à base le plus souvent d’intuition.
Pour ne prendre que des mathématiciens récents ou des contemporains : Henri Poincaré, Jacques Hadamard, Srinivasa Ramanujan, Paul Erdos, Grigory Perelman, Wendelin Werner (très facilement accessible), etc.
La créativité pratique[modifier]
C'est celle qui permet à l'équipage d'Apollo 13 de s'en sortir avec le bricolage de la « mailbox » sous la direction d'Eugene Kranz.
C'est celle qui correspond à la résolution de problème pratique, mais avec un plus, la résolution créative de problème pratique. Elle correspond à la première définition donnée par Paul Torrance.
La créativité stratégique[modifier]
C'est face à un adversaire intelligent l'imagination d'une l'action inattendue qui le surprend et permet de gagner alors que le rapport de force ou la situation ne l'aurait pas permis, ou permet de le faire avec peu de pertes et rapidement (guerre-éclair). Quelques exemples :
Le cheval de Troie de la mythologie grecque
Une carte d'époque du siège de Québec. L'anse au Foulon est à gauche, au milieu
La créativité artistique, peinture d' Honoré Daumier, XIXe siècle
Faire de l'art à Seattle La prise de Québec par Wolfe. Un cas d'École de guerre. Après un siège de 3 mois, Wolfe imagine de prendre Montcalm à revers en débarquant de nuit par surprise à l'Anse au Foulon (en amont de Québec). William Howe avec 400 hommes culbute la centaine de miliciens inexpérimentés placés là par Montcalm qui ne s'attendait pas à être attaqué par là.
Cette manœuvre a inspiré McArthur pour la prise de Séoul en débarquant à Inchon.
La prise d'Akaba par Lawrence d'Arabie imaginant de passer par le Nefoud pour prendre la forteresse imprenable d'Aqaba.
Les parties de Bobby Fischer aux d'échecs.
Processus créatif[modifier]
La créativité est un processus mental impliquant la génération de nouvelles idées ou concepts, ou de nouvelles associations entre des idées et des concepts préexistants.
Les interviews (Voir le site Im-Boot) d'une centaine de professionnels et experts en créativité montrent que :
leurs processus ne sont pas ceux qui sont décrits dans les livres
Ils n'utilisent pas pour eux-mêmes les méthodes qu'ils commercialisent ou préconisent
La créativité artistique et ses clichés[modifier]
Il subsiste dans l'esprit du public un cliché illustrée par le tableau caricatural d'Honoré Daumier, par exemple. Celui de l'artiste incompris et affamé. C'était au XIXe siècle. Le marché de l'art contemporain, les ventes de Sotheby's, Christie, la Fiac nous apportent une preuve du contraire.
Créativité et leadership[modifier]
Pour le psychologue américain contemporain Robert Sternberg, la créativité et leadership sont intimement liés. D'une part, la créativité est une forme de leadership et, d'autre part, une des trois composantes du leadership est la créativité8.
Le leadership créatif[modifier]
La créativité constitue un défi important au sein des entreprises en matière de leadership. Le leadership créatif est nécessaire à l’innovation et à l’adaptation rapide de l’entreprise aux divers changements pouvant survenir dans un environnement concurrentiel et en pleine évolution. Le leadership créatif est donc utile aux leaders, aux équipes, et aux organisations. Labelle Sylvie, consciente de 9ce fait, a mené une étude sur le sujet. Cette étude s'est basée sur les questions suivantes:
(1) Qu'est-ce que la créativité?
(2) Les entreprises ont-elles besoin de créativité afin de survivre et de prospérer, spécialement dans les moments de changements intensifs?
(3) Les hauts dirigeants jouent-ils un rôle significatif dans la détermination de la performance et du succès de l'entreprise, y compris le niveau de créativité?
(4) Comment la créativité se développe-t-elle chez la personne?
(5) Quels sont les facteurs clés de la créativité chez un leader organisationnel?
Un modèle empirique, provenant de dix neufs entrevues de chefs de file, a été élaboré. Le modèle empirique a été fait en deux parties:
(a) un modèle général du processus d'apprentissage de la créativité : selon ce modèle,10 "en chaque être humain existe, de façon minimale, une créativité latente ou qu’il existe des ressources qui vont permettre le développement de la créativité. Ces talents sont des traits de caractère et de personnalité, l’éducation reçue et les sources physiques, telles que les livres, les revues et la publicité."
(b) un modèle d'apprentissage de la créativité chez le leader organisationnel : ce modèle est bâti autour de deux axes. L’axe principal est un leader – leader créatif. L’autre axe est un intrant de ce dernier. On s’aperçoit que les "activités spécifiques de développement de la créativité" sont communes aux deux axes.
Créativité artistique et folie[modifier]
Certains auteurs comme J. Philippe Rushton, Philippe Brenot et Kay Redfield Jamison ont cherché à établir un lien entre création artistique et littéraire et folie. Cette créativité se rapprocherait ainsi de la psychose par le fait qu'elle met en jeu les mécanismes de déficit d'inhibition latente ou d'apophénie. Récemment, Elie Hantouche et Régis Blain ont mis en exergue le lien existant entre les alternances de l'humeur (la cyclothymie) et la créativité.
Ce rapprochement s'appuie aussi sur le fait qu'un certain nombre d'artistes (en fait statistiquement très peu) ont eu des problèmes psychiatriques à un moment ou un autre de leur existence :
des écrivains Gérard de Nerval, Guy de Maupassant, Charles Baudelaire, Virginia Woolf, Ernest Hemingway ;
des peintres Vincent Van Gogh, Richard Dadd, Dora Maar ;
le musicien Robert Schumann...
des « architectes » : Louis II de Bavière, le facteur
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