La pédagogie différenciée : un exemple de pratique

L’hétérogénéité des classes irait en s’accroissant. Bon, à mon avis, les classes homogènes tiennent plus à un fantasme qu’à une réalité passée, mais cela n’enlève rien à la difficulté de gestion de cette hétérogénéité. Au sein d’une même classe se côtoient des élèves avec différents niveaux scolaires, différents profils d’apprentissage, différentes personnalités… Est-on dès lors condamnés à privilégier les élèves en réussite au détriment de ceux qui en ont plus besoin, sous couvert d’élitisme ? Ou au contraire à préférer un « nivellement par le bas » ? Ou à adopter un rythme moyen ne satisfaisant personne ?

Aucun de ces choix n’est souhaitable, mais heureusement, rien n’oblige à les accepter : la différenciation pédagogique, plus ou moins poussée, peut apporter quelques solutions. Elle consiste à proposer un enseignement adapté à chaque élève — ou au moins un enseignement avec différentes pistes possibles. La différenciation peut se faire à différents niveaux. La plus simple à mettre en œuvre est une différenciation dans le temps : donner des supports variés (textes, vidéos, cartes mentales, etc.) au cours des séances, mais également des méthodes différentes (travail de groupe ou individuel, réalisations écrites ou orales, etc.). L’étape d’après consiste à différencier de manière simultanée. Je l’ai commencée ma première année d’enseignement, avec un dispositif très facile à mettre en œuvre : des documents que je distribuais avec différentes questions selon les élèves, alors plus ou moins guidés. C’était très facile pour moi : un même document à trouver, une correction facilitée mais une adaptation aux élèves selon leurs besoins. Désormais, je vais plus loin : les élèves ont le choix entre plusieurs manières d’accéder au cours (par vidéo ou texte essentiellement), entre plusieurs documents à analyser. Ils choisissent eux-mêmes quand ils réalisent certaines évaluations, et elles sont parfois différentes selon les élèves, notamment en termes d’outils dont ils peuvent disposer. Ils peuvent grâce au « plan de travail » personnel savoir où ils en sont dans leurs apprentissages par rapport aux objectifs d’année ou du trimestre. Tous ces éléments nécessitent du travail personnel pour proposer plusieurs parcours, et de l’organisation pour gérer en même temps des activités différentes dans une même séance, d’où l’importance d’une formation professionnelle de qualité. Mais c’est possible, même avec 30 élèves, avec un apprentissage progressif de l’autonomie pour eux.

Cela ne se fait néanmoins pas sans risque. Le premier, et sans doute le plus important, est celui de diminuer les exigences pour les élèves les plus en difficulté, en les cantonnant à la réalisation des tâches simples. Cet écueil peut être évité en rendant nécessaire le passage par certaines étapes, et également par une présence accrue de l’enseignant à leur côté (même si les élèves en réussite sont aussi souvent ceux qui savent demander de l’aide), ce que permet la différenciation. L’autre risque est l’éclatement de la classe que cela engendre, avec le manque de cohésion associé. Les temps communs ne doivent donc pas être oubliés.

Les risques semblent ainsi être surmontables, notamment grâce à la formation professionnelle. La différenciation pédagogique permet donc de faire face à des classes hétérogènes. Le numérique apporte à ce titre des opportunités très grandes via l’utilisation des données de chaque apprenant qui pourrait permettre un « adaptive learning » propre à chacun.