Les processus d’apprentissage

Etape 1 :

Ce qu’on fait ne marche pas, et on ne comprend pas pourquoi.

Par exemple, imaginons un apprenti cuisinier qui rate la plupart de ses plats : sa mayonnaise ne prend pas… mais il est incapable d’expliquer ce qui ne va pas dans sa façon de faire. Il essaye, il continue d’essayer, c’est tout ce qu’il peut faire pour le moment.

Concernant l’étude du langage corporel, vous vous rendez compte que vous interprétez mal les comportements de vos interlocuteurs, vous avez le sentiment de ne pas les mettre dans de bonnes dispositions, de communiquer d’une mauvaise façon, de créer ou d’aviver des tensions, de donner une mauvaise image de vous-même…

Il n’est pas évident d’envisager la communication comme une activité à part entière, dans laquelle on peut progresser. On pense communiquer naturellement, sans avoir besoin de travailler ce genre d’aptitude sociale. Pourtant, une observation plus attentive des personnes que vous côtoyez vous permettra de passer à la deuxième étape.



Etape 2 :

Ce qu’on fait ne marche toujours pas, mais on comprend désormais pourquoi.

Vous faites toujours des erreurs, mais vous comprenez enfin pourquoi, vous voyez ce qui ne va pas. C’est la prise de conscience.

Pour reprendre l’exemple précédent, notre apprenti cuisinier se rend compte qu’il ne mélangeait pas assez vigoureusement ses ingrédients, ou que sa moutarde ou ses œufs étaient trop froide pour battre sa mayonnaise…

De même, grâce à une observation plus attentive de votre entourage, vous découvrez par exemple que certains signes sont en contradiction avec certaines paroles. Le corps de vos interlocuteurs semble « dire » autre chose que ce qu’ils prétendent. Vous percevez de plus en plus finement ces décalages subtils entre le verbal et le non verbal. Vous ne savez pas toujours réagir en conséquence, mais vous commencez à comprendre pourquoi votre communication conduisait si souvent à des confrontations ou à des problèmes de compréhension.

Cela vous permet d’accéder à la troisième étape.



Etape 3 :

Ce qu’on fait marche enfin (au moins de temps en temps), mais on ne comprend pas pourquoi.

Vous réussissez ce que vous faites de plus en plus souvent. Quand vous ratez, vous comprenez pourquoi ça n’a pas marché. Mais quand vous réussissez, vous ne savez pas exactement ce qui s’est passé, et vous ne pouvez pas encore tout à fait le reproduire.

Vous êtes désormais capable d’’expliquer pourquoi tel entretien s’est mal passé, ou pourquoi telle discussion s’est envenimée… A l’inverse, vous observez la réussite de certaines interactions : vous prenez l’avantage lors d’une négociation, vous animez d’une main de maître une réunion… Mais quelle est la formule magique ? La combinaison gagnante ? On retrouve la même incompréhension de l’étape 1, mais cette fois-ci dans une dynamique positive.



Etape 4 :

Ça marche, et vous comprenez pourquoi !

En étant attentif à votre propre comportement, après avoir observé celui des autres, vous remarquez les effets de tel ou tel geste de votre part en fonction de ceux de vos interlocuteurs. Vous sentez quelles sont les attitudes gagnantes, et celles qui conduisent à l’échec. Vous pouvez vous adapter.

Toutefois cette étape est délicate, car vous pouvez donc être tenté de contrôler vos actions « comme il faut » pour réussir ce que vous souhaitez. Mais cela demande un effort de concentration et d’attention, vous devez penser à ce que vous faites en le faisant, votre attitude n’est pas tout à fait naturelle… C’est la différence entre le contrôle et la maîtrise.

Nuançons également l’expression « adapter son attitude ». Il ne s’agit pas de verser dans le comportementalisme – le but n’est pas de « décrypter » son interlocuteur pour adopter de façon mécanique l’attitude jugée adéquate, ce serait de la manipulation… Par contre, par notre aptitude à décoder le langage non verbal, si nous voyons que la personne n face de nous est blessé par ce que nous disons, ou qu’il y a un souci, nous pouvons lui en faire part avec tact : c’est une approche que l’on dit « réflexive » : se montrer honnête en poussant ainsi l’autre à l’être aussi et créer des relations équitables. C’est cette éthique de la communication que nous partageons ici.



Ultime étape 5 :

Ça marche, et vous ne posez même plus la question du pourquoi.

En pratiquant et en vous entraînant régulièrement, vous passez du contrôle à la maîtrise, c’est-à-dire que vous réussissez enfin ce que vous faites sans même y penser.

Vous avez fait de la pratique de votre activité une seconde nature, vous n’y réfléchissez même plus et tout ce que vous entreprenez semble fonctionner de façon spontanée. C’est le stade ultime que je vous souhaite d’atteindre dans toutes les activités auxquelles vous souhaitez vous consacrer, et en premier lieu la communication.

On parle souvent de l’homme comme d’un « animal social ». Pourtant, l’aisance relationnelle n’est pas innée : les aptitudes sociales s’acquièrent progressivement et il faut les travailler volontairement.

A vrai dire, nous avons bien une partie d’aisance sociale innée, mais nous l’avons généralement perdu avec le temps : enfants, nous avons tout juste eu le temps d’exprimer notre caractère sincère et intrépide, jusqu’à ce que les adultes nous disent « ne fais pas ceci, ne dit pas cela, c’est dangereux, c’est mal, tu n’as pas le droit, tu ne sais pas faire, tu es bête, tu es trop petit, tiens-toi comme ça, etc.» L’éducation nous bride, l’école nous brime, et nous finissons par perdre ce sens fondamental de la communication spontanée qui caractérise si bien les jeunes enfants, et qui est si important…

C’est pourquoi acquérir (ou retrouver en partie) ce sens de la communication est un processus qui peut se révéler plus long que prévu, au cours duquel on peut avoir le sentiment de ne pas progresser, de « bloquer »… le sentiment « qu’on n’y arrivera jamais ». Il faut persévérer, ne pas se décourager, en ayant bien en tête les 5 étapes fondamentales par lesquelles nous devrons nécessairement traverser.